Tirage gélatino-bromure d’argent émulsionné, négatif 135 en noir et blanc “Tibet, 1993” sur coton couché sur du lin, peint à la main avec de l’encre de Chine et du pastel. Deux bateaux anciens et ancres trouvés dans des salons d’antiquaires, morceaux choisis d’os d’animaux, corde de chanvre, sable et inscription de néon.
L’œuvre Les Pèlerins prend l’apparence trompeuse d’une quête initiatique, d’une traversée. En réalité les deux extrémités du chemin sont identiques, deux barques s’y font face, leurs ancres enchaînées l’une à l’autre. Pour Gao Bo, si l’illusion d’un départ existe, il n’y a pas d’arrivée possible, et seul le moment du passage, de l’errance, a un sens. Il est symbolisé par une bande de lin reliant les deux bateaux, imprimée de la forme vague, presque effacée, de trois cents pèlerins tibétains. Noircie à l’encre de Chine, elle devient une rivière sombre difficilement identifiable comme photographie, un Styx inquiétant au fond duquel se dessinent les cadavres énigmatiques d’un au-delà trouble.
Gao Bo signe son œuvre comme un hommage au Siddhârtade Herman Hesse, récit initiatique majeur centré sur une réflexion autour du cycle de la vie, et inspiré par le fondateur du bouddhisme. Comme souvent, l’œuvre citée par Gao Bo a tendance à s’effacer, à se fondre dans le travail fini pour ne plus subsister qu’à l’état de trace, comme un échafaudage nécessaire à l’artiste pour élaborer son langage, mais qu’il retire au fur et à mesure de la construction de l’œuvre. Gao Bo se défend de travailler ex nihilo, et se présente comme un artisan ayant toujours besoin d’une base pour créer. Dès lors, la vie des œuvres répond elle aussi à un cycle propre, un palimpseste infini, où chacune n’est qu’un point de passage vers l’autre.